اختتام مهرجان عمّان السينمائي الدولي – أول فيلم بتوزيع الجوائز على الأفلام الفائزة
September 6, 2020Srdan Golubovic
October 22, 2020Après sept mois de léthargie forcée, le 7e art a repris à la faveur de la première édition du Festival international du film d’Amman, tenu du 23 août au 2 septembre. Un signe d’espoir, dans la mesure où l’AIFF est la première manifestation du 7e art à se tenir dans un contexte de crise sanitaire. Après 11 jours de compétition, le jury, composé de Sardan Golubovic, de l’actrice Saba Mubarak et de Sarim Al-Fassi-Al-Fihri, a décerné l’«Iris noir» du meilleur long métrage arabe, ainsi qu’une récompense financière de 20.000 dollars, au film soudanais Vous allez mourir à 20 ans, d’Amjad Abu Al-Ela. Ce film, soulignons-le, a été primé à la 76e édition de Mostra de Venise et aux Journées cinématographiques de Carthage (JCC) 2019. Dans la même catégorie, une mention spéciale a été attribuée au long métrage saoudien, la Dernière visite, d’Abdul Mohsen Al-Dabaan. L’autre Prix du palmarès, à savoir le meilleur long métrage documentaire, est allé à Ibrahim, indéfiniment, de Lina Al-Abd. Le court métrage jordanien Houda, de May El-Ghouti (sa première œuvre), a décroché l’Iris noir et une récompense financière d’un montant de 5.000 dollars. D’autres pays, dont l’Irak, la Palestine, l’Égypte et l’Irlande, ont également été primés. La directrice du Festival, Nada Doumani, revient sur les clés de la réussite de cette première édition d’AIFF et dévoile ses ambitions.
El Moudjahid : Le Festival international du film d’Amman s’est tenu en pleine crise sanitaire tout en s’accommodant de restrictions préventives. Relever un tel défi est un succès, mais qu’en est-il de la prochaine étape pour offrir à ce nouveau-né une bonne place dans le paysage festivalier du monde arabe, méditerranéen et international ?
Nada Doumani : La simple tenue du festival en mode «physique était une gageure en soi, au vu des circonstances, des mesures de distanciation sociale et du couvre-feu total imposé tous les soirs à partir de 23h et les vendredis. Ce qui nous a obligés à nous adapter constamment aux mesures qui changeaient au cours des jours. C’était donc une édition exceptionnelle, que nous ne souhaitons pas pour les années à venir, notre but étant de faire un festival où les gens peuvent échanger et partager. Un festival est par définition festif et associatif. Mais la solution drive-in et théâtre en plein air s’est avérée la meilleure, car elle respectait les règles de santé publique tout en permettant un visionnement du film en commun sur grand écran. Le public jordanien a apprécié cette nouvelle expérience, surtout que nous avons investi dans l’équipement afin d’offrir des projections de haute qualité technique. Au-delà du mode de projection, ce qui nous importait était de maintenir la qualité de la programmation. Cette programmation avait été finalisée en mars passé, juste avant la période de confinement. Les films sélectionnés ont tous été produits en 2019-2020, projetés en première en Jordanie. Des films de qualité dont plusieurs ont reçu des prix dans des festivals internationaux. Nous maintiendrons cette ligne dans les années à venir. En marge des projections, nous avons organisé des ateliers pour les professionnels du cinéma. Neuf projets, jordaniens et arabes, ont reçu des prix qui les aideront à compléter leurs films. Un festival est certes une opportunité pour le public de découvrir des œuvres inédites, mais aussi une plate-forme de soutien aux professionnels de cinéma. Nous continuerons sur cette lancée, surtout que nous pensons que ce festival a sa place dans la région de par sa spécificité, en se concentrant sur les premières œuvres.
Quel bilan tirez-vous de cette première édition ?
Nous en sommes très satisfaits. Je dirai même au-delà de nos espérances. Non seulement parce que le festival a pu être maintenu dans une forme réelle, et non uniquement virtuelle, mais également parce que le public a réagi avec beaucoup d’enthousiasme. Plusieurs projections étaient complètes. Preuve s’il en fallait qu’en cette période difficile, nous avons besoin de cinéma, de culture, d’escapades… Nous avons besoin de vie, en somme, pour mieux gérer et dépasser. Il est aussi évident que le public jordanien a besoin et envie de voir des films qui ne passent pas normalement dans les salles commerciales, des films avec un langage cinématographique nouveau et un traitement parfois audacieux de certains sujets tabous.
Se voulant internationale, cette première édition a néanmoins été orientée vers les productions arabes, notamment les premières œuvres des réalisateurs qui ont concouru pour le prix de l’«Iris noir ». Quelle est l’identité ou la ligne éditoriale du festival ? Serait-il une tribune de soutien aux jeunes cinéastes ? Un outil pour stimuler et développer la production cinématographique localement ? Orienté plus vers le cinéma du Sud et arabe plutôt que l’international ? L’AIFF va-t-il résister au prestige mondain qu’offrent traditionnellement les festivals du cinéma à travers le glamour des strass et paillettes qui enflamment le Red Carpet ?
En effet, comme le nom du festival l’indique (Festival International du Film de Amman – Awal Film), «awal» se référant à la première œuvre, ce festival se focalise sur les premières œuvres des réalisateurs et réalisatrices, avec une petite exception concernant les longs métrages de fiction arabes, qui peuvent être éligibles pour autant que l’acteur/actrice principal/e ou le scénariste ou le directeur de photographie occupe pour la première fois ce rôle. Mais le prix de l’Iris Noir demeure octroyé au meilleur film. A noter que deux films algériens étaient en compétition : «Abou Leila» de Amin Sidi-Boumédiène et le documentaire «A Mansourah, Tu Nous As Séparés» de Dorothée-Myriam Kellou. Les sections compétitives sont réservées aux productions arabes dans les trois catégories : fiction, documentaire et court. Quant à la section internationale, elle est réservée aux premières œuvres des réalisateurs dans la fiction ou le documentaire. Le meilleur film est choisi par le public (Prix du Public). Il est évident que le festival souhaite ainsi soutenir les jeunes professionnels talentueux, notamment dans le monde arabe. Mais pas seulement. Quant au tapis rouge et auglamour… ils semblent faire partie intégrante de la plupart des festivals. Mais ils sont loin d’être une obligation, voire une exigence, à mon avis. Ils rajoutent simplement au côté festif de l’événement, l’agrémentent et font plaisir au public et parfois aux sponsors !
L’AIFF est parrainé par l’Instance royale jordanienne du film et jouit désormais du soutien de certaines parties publiques et privées en Jordanie. Quelles sont les actions qui seront prises à court terme pour agrandir et élargir le public cinéphile en Jordanie et le rapprocher davantage de sa passion pour le 7e art et soutenir ce dernier ?
L’AIFF est en effet largement soutenu par la Commission Jordanienne du Film. Cette dernière a été créée en 2004 par le Prince Ali Bin Al Hussein, pour développer le cinéma en Jordanie. Elle organise depuis plus de dix ans des projections publiques gratuites pour les cinéphiles du pays. Au fil des années, nous avons réussi à construire un public qui apprécie des films d’auteurs, des films de genre, des documentaires, qu’on ne trouve pas dans les circuits commerciaux. L’AIFF est donc venu comme l’aboutissement normal de tout ce travail fait non seulement à Amman mais aussi dans les gouvernorats en dehors de la capitale. La Commission du Film a toujours eu à cœur de présenter des productions du Maghreb arabe, avec des semaines entièrement dédiées à ce cinéma. Elle avait une coopération très étroite avec l’Algérie dans ce domaine notamment avec le ministère de la Culture et l’AARC. Ainsi, plusieurs réalisateurs algériens sont venus à Amman présenter leurs films et nous espérons poursuivre ce genre d’échanges.
Comment voyez-vous la collaboration entre les différents festivals qui existent déjà dans la région arabe ?
Nous sommes très en faveur d’une coopération étroite avec les festivals de la région. Chaque festival a sa spécificité et son identité. Et le cinéma arabe a besoin de toutes ces plateformes de soutien. Nous ne sommes pas en compétition et ne devons pas l’être. Nous avons contacté la plupart des festivals de la région quand nous avons commencé à travailler sur le nôtre pour voir quelles synergies étaient possibles, notamment au niveau des ateliers professionnels. Le festival arabe de Malmö en Suède a réagi très vite positivement en offrant un prix à un des projets dans les ateliers. Cette année, nous avons fait appel à l’expertise de deux de vos compatriotes : Ahmed Bedjaoui pour les ateliers, et Nabil Hadji pour la programmation des films courts. Nous espérons pouvoir développer davantage de collaborations et de synergies dans les années à venir.
A. S.